Ce que les feux de forêt nous apprennent du management


Quand une organisation est en feu

Si un conflit se propage comme un feu entre des agents ou des collaborateurs, les managers ont peu de temps pour réagir avant que la crise s’étende plus largement et devienne incontrôlable.

Quand il en est ainsi, à la manière de ce qui se passe pour les feux de forêt, il faut savoir mettre les moyens, en hommes, en outils, et en argent :

  • Dans ces situations, il est rare que le manager parvienne seul à éteindre les conflits. Ils se propagent par la rumeur, par les fonctions, les tâches, et par les affinités organisées peu à peu en clans. Selon la structure et la nature des conflits, il arrive aussi que d’autres services ou d’autres niveaux hiérarchiques soient impactés. Le manager est inévitablement partie prenante des enjeux, la direction des ressources humaines est sollicitée, parfois même les syndicats. Une pluralité d’acteurs sont sollicités en interne et consacrent du temps et de l’énergie.
  • Quant aux outils, ils sont de nature diverse, allant des leviers RH comme la réorganisation d’un service ou parfois le licenciement, le coaching individuel et collectif qui s’avère souvent pertinent puisqu’il fait intervenir des personnes neutres et expertes de ces situations, à l’achat de nouveaux supports d’organisation, de gestion des tâches ou de projets. In fine, cela pèse sur l’activité, sur les objectifs des organisations et laisse rarement les personnes impliquées indemnes.
  • Tout cela est onéreux pour l’organisation. De bons managers dans une organisation vertueuse évite des frais importants et favorisent l’implication des salariés sur ce qui doit être au coeur de leur activité.

La direction d’un service d’un grand groupe est en feu. La Direction des ressources humaines nous sollicite pour intervenir. Le climat est délétère et la situation brûle de manière souterraine et invisible depuis plusieurs semaines. Lorsque nous arrivons, des équipes sont démobilisée, ce qui nuit fortement à la vie de l’entreprise ; les services connexes sont impactés et certains de leurs collaborateurs prennent part aux tensions ; le Président du groupe et la directrice des ressources humaines ont cru pouvoir calmer les choses en recevant certains protagonistes pour les écouter ou les menacer. Cela n’a fait qu’empirer les choses.

À ce niveau de tensions, sans une aide extérieure, libre des pressions internes et des relations viciées par les enjeux, seules des mutations ou des licenciements permettent de régler les choses en surface. Cependant, un facilitateur externe peut bien parvenir à apaiser les conflits, si une attention n’est pas portée sur le système, l’histoire et les projets d’avenir, il y a de forts risques que le feu se propage de nouveau dans le service initial.

Un diagnostic des personnes, des relations et du style managérial, un coaching individuel du manager et un coaching collectif du service étaient nécessaires pour commencer, avant de poursuivre l’accompagnement par une supervision collective assurant l’installation pérenne d’un nouveau climat.

Surveiller les signaux de fumée

Pour éviter cette perte importante d’énergie, de temps et d’argent, il est essentiel de porter une attention particulière aux feux invisibles.
Il s’agit plus de signaux de fumée que de flammes. L’incendie historique de l’été 2022 en Gironde illustre bien la situation : suite au monumental feu de forêt de la Teste-de-Buch, ce n’était pas toujours là où sortait la fumée que se trouvait le foyer profond qui se répandait sous la tourbe, parfois à plus d’un mètre sous le sol.

Naturellement, nous nous préoccupons de ce qui se voit. Si des collaborateurs s’entendent mal et que cela devient préjudiciable pour le travail collaboratif ou les objectifs de l’équipe, le manager se penchera sur leur relation et l’histoire du conflit. Or ce penchant naturel peut tromper notre regard et nous faire manquer de traiter le point névralgique.

Nous sommes appelés car un service est à feu et à sang ! Comme souvent, cela se traduit par le « bonjour » qui est omis, dit à certains, mal dit, etc. Parmi l’équipe, une personne est ciblée par tous. En effet, il apparaît que sa personnalité complexe rend difficile la manière de se situer face à lui. On parle de manipulation, d’influence sur certains au détriment d’autres. Parmi les personnes qui sont à couteaux tirés, deux anciens amis dont l’un est parrain de l’enfant de l’autre. Il était évident que l’origine de l’incendie venait de l’homme qui semblait manipuler les autres. Grâce à une cartographie large et particulièrement au diagnostic efficience, il est apparu que la cause de l’embrasement n’était pas là où on le pensait, mais dans l’attitude du manager et plus encore de son N+1.

Comme le disaient les pompiers agissant sans relâche en Gironde, il n’y a pas de fumée sans risque de feu. Pour éviter toute reprise de l’incendie, les soldats du feu ont eu recours à de nombreuses « petites mains ». De quoi s’agit-il ? Avancer lentement, mètre après mètre, pour chercher et éteindre le feu qui couve sous la terre. Comme le relief y est accidenté, il fallait grimper pour atteindre certaines fumerolles. Ainsi, lorsque l’urgence d’éteindre les grandes flammes est passée, reste le travail de fond, de fourmi pour éviter toute reprise. Au sud de la dune du Pilat, c’est un travail qui dura encore des semaines après l’incendie.

Cela évoque la nécessité d’avoir un Codir bien en place pour connaître parfaitement l’actualité de son entreprise et des collaborateurs, sans quitter des yeux la raison d’être et la stratégie mise en place. Cette situation rappelle aussi l’importance de ne pas passer trop vite à autre chose lorsqu’un conflit à été « résolu ». Une équipe « résilience » et des séances d’analyse de pratique s’avèrent alors déterminantes pour prévenir les risques de reprise des conflits et installer dans le temps une situation nouvelle.

Ce qui est mis en œuvre pour lutter contre un feu de forêt est une illustration de ce qui peut être réalisé en termes de management.

Il s’agit d’être attentif aux signaux faibles. Pour cela, il est essentiel de savoir :

  • Ce que l’on regarde, autrement dit, de ce qu’on attend : quelles attitudes et réalisations, quel esprit d’équipe visons-nous. Cela est possible lorsque le manager a de la hauteur et une vision stratégique pour ses collaborateurs et pour son équipe.
  • Mesurer les signaux, et surtout en percevoir les convergences. Dans le cas des fumerolles de la Teste-de-Buch, les signaux étaient faibles et localisés. Lorsque les managers prennent le temps d’élaborer des indicateurs simples avec leurs collaborateurs, cela permet un échange sur les ambitions de chacun, les modalités pour les atteindre, les besoins réciproques et de prévenir des difficultés. Plus encore, le fait que les indicateurs ne soient pas atteints ou largement dépassés apparaissent comme des signaux à prendre en compte. Lorsque d’autres signaux apparaissent (l’état d’esprit est moins bon, mauvaise prise en compte des autres, moins de disponibilité, par exemple), cette convergence, dans le temps, est toujours significative de difficultés encore invisibles.
  • Sensibiliser l’ensemble des membres des équipes aux critères qui permettent d’atteindre l’ambition des objectifs de l’équipe, par des relations saines qui favorisent les collaborations, l’attention, le partage d’informations, la participation de chacun et la solidarité.
  • Donner une véritable autonomie dans l’interdépendance des compétences, de telle sorte que tous soient les acteurs d’une aventure motivante. Ce qui a permis que le feu ne reprenne pas en Gironde, ce ne sont pas seulement les canadaires rapidement appelés sur d’autres feux, mais l’implication de nombreux habitants soucieux de leur espace commun de vie, de la beauté notoire du site, de l’histoire du lieu (il s’agissait d’une forêt de 4000 ans). Ainsi, dans certains endroits, il fallait avancer arrosoir à la main pour surprendre un risque de reprise, ou arroser les bas-côtés de tous les chemins.

Autrement dit, les managers évitent des conflits et l’embrasement de situations de tensions en n’étant pas seul, si une véritable culture du bien commun de l’entreprise et des ses interaction a été mise en place, et des relations de soutiens mutuels : les pompiers pour la protection de la population, la population pour le travail des pompiers.

Diffuser une attitude de soutien

Les feux de forêt de la Teste-de-Buch, comme ceux de nombreuses régions, nous donnent une illustration intéressante pour traiter les plus forts conflits dans les entreprises.

Il est essentiel de créer en amont un état d’esprit collectif ; d’avoir des objectifs humains, relationnels et financiers clairs ; de favoriser une implication de chacun par la raison d’être de l’entreprise, de telle sorte qu’un souci, voire une défense d’un bien commun soit naturelle ; d’avoir des valeurs qui permettent une participation forte et une attitude empreinte de solidarité.

Au fond, c’est une attitude de soutien diffusée dans toute l’entreprise qui permet à chacun de s’impliquer et d’être acteur d’un projet d’entreprise.

Enfin, il revient aux managers, à commencer par ceux des Codir et Comex, de veiller à la prévention des feux. C’est ce dont nous traitons dans l’article suivant et ce que permet l’offre Spire.

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